dimanche 12 avril 2009

"Les Maitres Fous" de Jean Rouch (1954)


« Venus de la brousse aux villes de l'Afrique Noire, de jeunes hommes se heurtent à la civilisation mécanique. Ainsi naissent des conflits et des religions nouvelles. Ainsi s'est formée, vers 1927, la secte des Haouka.





Ce film montre un épisode de la vie des Haouka de la ville d'Accra. Et ce jeu violent n'est que le reflet de notre civilisation » . Venus à Accra (Niger) de toute l'Afrique occidentale, les hommes occupent des emplois de docker, contrebandier, porteur et manoeuvre, berger ou marchand de troupeaux.

 « Tous les samedis et tous les dimanches, des cortèges parcourent la ville. Alors devant ces bruits, devant ces fanfares, les hommes venus des calmes savanes du Nord doivent se réfugier dans les faubourgs de la ville. Et là, tous les dimanches soirs, ils se livrent à des cérémonies que l'on connaît encore très mal : ils appellent les dieux tougo, les dieux de la ville, les dieux de la technique, les dieux de la force, les Haouka » .

« La première partie de la cérémonie est la présentation d'un nouveau. Il sort avec deux fusils de bois, qu'il claque pour imiter les détonations et il menace les anciens. Aussitôt, ceux-ci sont pris d'un début de crise. Il faut saluer le nouveau ! » *. Une bagarre s'ouvre, qui laisse le nouveau mal en point. « La deuxième partie de la cérémonie, c'est la confession publique. Autour de l'autel de béton armé, les Haouka qui sont coupables doivent s'accuser. » .

 À dix heures, les hommes attendent un chien. « C'est un interdit alimentaire total. Si les Haouka tuent et mangent un chien, ils montreront qu'ils sont plus forts que les autres hommes, noirs ou blancs. » .

Peu à peu, chacun entre dans la danse. La possession commence. Les derniers possédés arrivent enfin ; une conférence de la table ronde décide de manger le chien. Le rite accompli, tout le monde se sépare, car il faut libérer les taxis loués pour la journée. Le lendemain, chacun a repris sa place au coeur des activités économiques de la ville...

cineclubdecaen


Les maîtres fou par zohilof

"Les maîtres fous" Dailymotion

samedi 4 avril 2009

"L'AMOUR EXISTE" par Maurice Pialat



De l’autre, les vieux travailleurs. Vieillesse qui doit, dans l’esprit de chaque salarié, indubitablement survenir. Vieillesse comme récompense, comme marché que chacun considère avoir passé. Ils ont payé pour ça. Payé pour être vieux. Le seul âge où l’on vous fout la paix. 

Longtemps j’ai habité la banlieue. Mon premier souvenir est un souvenir de banlieue. Aux confins de ma mémoire, un train de banlieue passe, comme dans un film. La mémoire et les films se remplissent d’objets qu’on ne pourra plus jamais appréhender.

Longuement j’ai habité ce quartier de Courbevoie. Les bombes démolirent les vieilles maisons, mais l’église épargnée fut ainsi dégagée. Je troque une victime contre ces pierres consacrées ; c’était un camarade d’école ; nous chantions dans la classe proche : « Mourir pour la patrie », « Un jour de gloire vaut cent ans de vie ». ( ... )

De l’autre, les vieux travailleurs. Vieillesse qui doit, dans l’esprit de chaque salarié, indubitablement survenir. Vieillesse comme récompense, comme marché que chacun considère avoir passé. Ils ont payé pour ça. Payé pour être vieux. Le seul âge où l’on vous fout la paix. Mais quelle paix ? Le repos à neuf mille francs par mois. L’isolement dans les vieux quartiers. L’asile. Ils attendent l’heure lointaine qui revient du pays de leur enfance, l’heure où les bêtes rentrent. Collines gagnées par l’ombre. Aboiement des chiens. Odeur du bétail. Une voix connue très lointaine… Non. Ils pourraient tendre la main et palper la page du livre, le livre de leur première lecture. ( ... )

Et la fin du travail à l’heure où ferment les musées. Aucune promotion, aucun plan, aucune dépense ne permettra la cautérisation. Il ne doit rien rester pour perpétrer la misère. La leçon des ténèbres n’est jamais inscrite au flanc des monuments.

La main de la gloire qui ordonne et dirige, elle aussi peut implorer. Un simple changement d’angle y suffit.



http://www.passant-ordinaire.com/revue/44-522.asp

" l'amour existe". Dailymotion

vendredi 3 avril 2009

LE PEUPLE DE L’ABÎME de Jack London ( 1903 )



Aucune erreur n'est possible. La civilisation a centuplé le pouvoir de production de l'humanité, et par suite d'une mauvaise gestion, les civilisés vivent plus mal que des bêtes, ont moins à manger et sont moins bien protégés de la rigueur des éléments que le sauvage Innuit, dans un climat bien plus rigoureux. Il vit, aujourd'hui, comme il vivait à l'âge de pierre, il y a plus de dix mille ans.



Examinons bien les choses. En Alaska, sur les bords du Yukon, près de son embouchure, vit une peuplade très primitive, celle des Innuits. Ils ne présentent qu'une très faible ébauche de cet énorme artifice que nous nommons la Civilisation. Leur revenu annuel tourne à peu près sur deux livres par individu. Ils chassent et pêchent pour se nourrir, avec des lances et des flèches à pointes d'os. Ils ne souffrent jamais du manque d'abri, et leurs vêtements, faits pour la plupart de peaux de bêtes, sont chauds. Ils ont toujours du combustible pour entretenir leurs feux, du bois pour construire leurs maisons, qu'ils enterrent à moitié, et dans lesquelles ils s'installent confortablement pendant les périodes de grand froid. Pendant tout l'été, ils vivent dans des tentes, ouvertes à tous les vents. Ils sont sains, vigoureux et heureux. (...)

Dans le Royaume- Uni, au bord de l'Atlantique,vivent les Anglais. C'est un peuple complètement civilisé. Le revenu annuel de chaque habitant est au moins de trois cents livres. Ils gagnent leur nourriture, non pas par la chasse ou la pêche, mais en travaillant dur, dans des usines colossales. Ils sont pour la plupart, mal logés, et n'ont même pas de toit, ils manquent de combustible pour se chauffer et sont insuffisamment habillés. Un nombre toujours égal, parmi eux, n'a jamais eu de maison et dort à la belle étoile. On en trouve beaucoup, hiver comme été, grelottant dans les rues, sans rien sur le dos.(...)

Aucune erreur n'est possible. La civilisation a centuplé le pouvoir de production de l'humanité, et par suite d'une mauvaise gestion, les civilisés vivent plus mal que des bêtes, ont moins à manger et sont moins bien protégés de la rigueur des éléments que le sauvage Innuit, dans un climat bien plus rigoureux. Il vit, aujourd'hui, comme il vivait à l'âge de pierre, il y a plus de dix mille ans.

" Le peuple de l'abîme "
Quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste ?

L'optimiste pense que l'on vit dans le meilleur des mondes possibles.
Le pessimiste pense que malheureusement c'est vrai.